Episode 3 : sous la Lune...
« Bonsoir, Michel !
— Bonsoir François… »
François quitta des yeux l’écran de l’ordinateur qui le reliait à Michel et, se tournant vers la seule caméra du studio de crise, vers l’ensemble de tous ceux qui ne manquaient pas une de ses émissions, vers tous ceux qu’il rencontrait, pour la première fois ce soir, confinés derrière leur poste de télévision :
« Nous sommes le jeudi 9 avril et j’ai le plaisir de recevoir pour la troisième fois consécutive Michel, tout auréolé ce soir d’une fraîcheur pure qui le brûle…
— Merci, François, pour cette ouverture un peu taquine !
— Vous nous avez dit, hier, avoir écrit ce poème sans rien y connaître — ou si peu — à la poésie ?
— C’est exact et je voudrais tenter d’approfondir la démarche que nous avons initiée ces deux derniers jours : avez-vous, vous tous qui êtes chez vous à regarder cette émission, avez-vous pu contempler la beauté actuelle de la lune, les nuits dernières ?
Vous l’avez fait, alors recommencez ce soir !
Vous ne l’avez pas fait ?
Eh bien ce soir, cette nuit ou demain matin avant six heures, laissez votre regard errer sur le paysage qui vous est proposé, qu’il soit urbain ou campagnard.
Laissez votre regard, votre esprit, votre coeur être attirés par ce magique et superbe disque lunaire.
Laissez-vous saisir par cette paix irradiante, par le vertige d’un univers constellé de lucioles, par le mystère insondable de l’infini.
Vous ne pouvez pas, vos enfants confinés, votre conjoint — femme ou homme— confiné réclament à cor et à cri votre simple présence ? le ciel est envahi de nuages ? Alors, n’hésitez pas, les photographies fleurissent sur Internet, cherchez, regardez et laissez-vous aller !
Et alors, prenez votre crayon, votre pinceau, votre appareil photo, votre guitare et jetez-vous à l’eau dans le halo lunaire :
Cette nuit, l’astre lunaire épanchait silencieusement la douceur légèrement bleutée de ses fleurs de coton.
Cette nuit, l’astre lunaire attirait en son sein la lueur acide de l’inquiétude humaine.
Cette nuit, l’astre lunaire, si proche, veillait paisiblement sur une planète fatiguée…
Vous voyez, ce n’est pas difficile !
Il suffit de poser là, sur le papier du cahier d’écolier, sur la portée musicale, sur la toile accrochée au chevalet, sur l’objectif — un peu froid, je le concède, mais si efficace — de l’appareil photo, il suffit d’y poser tout ce qui vous traverse l’esprit en contemplant le paysage lunaire. Vous pouvez y aller sans crainte, personne ne le saura ! Et tant que vous y êtes, faites-vous plaisir : trouvez un mot plus précis, plus musical, couchez une expression plus poétique, plus évocatrice, trouvez un mélange de couleurs plus soyeux, psalmodiez un accord plus tendre, plus mélancolique — ou plus rageur — et allez vous (re)coucher. Demain, reprenez le tout et préparez une sauce comme savaient en tourner nos grands-mères. Dégustez puis faites découvrir à vos proches... en respectant la distanciation réglementaire ! Vous serez heureusement surpris du résultat : ils aimeront, ils n’aimeront pas, mais ne resteront pas indifférents.
Allez-y, faites-le !
C’est comme cela, François, que j’ai commencé, sans rien y connaître à la poésie... »
Durant la prise de parole de Michel, François avait rapidement consulté ses notes.
« Vous avez donc écrit ce poème, ensuite vous en avez écrit d’autres et d’autres encore. Vous m’avez dit ne jamais avoir songé à les faire éditer. Cela m’intrigue et m’amène à vous poser d’autres questions : pourquoi écrire ? Comment pouvez-vous progresser ? Et d’abord, y a-t-il eu progression ? Si oui, dans quel sens? J’essaie de me mettre à la place du téléspectateur à qui vous venez d’affirmer qu’il pouvait, lui aussi, écrire, ou peindre, ou dessiner, ou autre…
— Oui, je maintiens cette affirmation : je n’y connaissais rien à la poésie et, entre nous, je n’en connais toujours rien ! Tout le reste, toutes les autres questions, tout est une autre histoire…
— Mais vous serez bien d’accord pour dire qu’il est essentiel pour ceux qui nous écoutent de savoir comment appréhender le reste ?
— Certes, mais nous verrons cela plus tard :
Ce soir, direction la Lune, avec crayons et pinceaux et claviers, avec les voix et les émotions, la joie, la colère, la tristesse, la mélancolie, dans la réflexion, la méditation, la révolution intérieure.
Ce soir, place à votre expression la plus intime, la plus personnelle, la plus délicate, aussi délicate que l’ombre bleue de la Lune.
Ce soir, place à votre création.
Ce soir, sous la Lune, sortez de votre propre confinement, décrété en vous depuis si longtemps, longtemps, longtemps... »
À suivre...
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